La fibre paternelle...

La journée était plutôt chaude, ce qui n'avait rien d'agréable pour Astéria. Il n'y avait rien de plus agréable selon elle que la fraîcheur de l'eau. Elle aurait préféré être chez elle, sous l'eau, plutôt qu'ici sur terre. Pourtant, la sirène adorait son métier, elle aimait prendre soin de ces enfants dont personne n'avait voulu ou dont les parents n'avaient pas pu s'occuper, mais il y avait des jours où elle préférait rester sous l'eau. Comme aujourd'hui. Pour ne rien arranger, Astéria, accompagnée par certains de ses collègues, était à l'extérieur avec un groupe d'enfants pour une sortie sur une aire de jeux. Elle ne pouvait même pas profiter de la fraîcheur des locaux, elle devait affronter et supporter la chaleur et le soleil. A l'extérieur, les enfants avaient ainsi tout le loisir de jouer, de profiter des jeux en plein air et du beau temps. Ils n'étaient jamais aussi heureux que lorsqu'ils pouvaient s'amuser tous ensemble, comme tous les enfants certainement. Et puis, ces activités en extérieur leur permettaient de sortir de leur quotidien à l'orphelinat, de ces murs qu'ils voyaient chaque jour, de cette vie réglée qu'ils devaient suivre.

Astéria était occupée avec un enfant qui était tombé et qui s'était écorché la main. Accroupie à sa hauteur, elle essuyait les larmes qui coulaient sur ses joues et le rassurait doucement, lui affirmant que la douleur passerait bientôt, mais que pour cela, il devait retourner jouer avec ses camarades et ne plus y penser. Elle n'avait été distraite qu'une minute ou deux, les autres employés étaient censés surveiller les enfants eux-aussi, et pourtant... En levant les yeux, pour observer les autres enfants, Astéria fut surprise par deux enfants qui s'étaient éloignés et qui semblaient discuter avec deux types qui n'avaient rien à faire là. Ça la mettait hors d'elle ! Que faisaient ses collègues ? Ne voyaient-ils pas qu'il manquait deux enfants à l'appel ? La sirène voulut alors y aller sans perdre une seconde, mais le petit garçon devant elle continuait de pleurer et il s'accrochait désormais à elle, l'empêchant ainsi de se précipiter vers les deux enfants. Elle aurait pu repousser le petit pour ne prendre aucun risque, mais elle ne voulait pas le repousser ou se montrer brusque, alors Astéria interpella l'un de ses collègues présents, qui ne semblait pas avoir remarqué la scène qui se déroulait un peu plus loin, sans jamais quitter les deux enfants des yeux. Et en peu de temps, la sirène s'approcha, mais l'un des deux types avaient fait fuir l'autre et s'était approché avec les enfants des jeux. Elle s'approcha alors du type qui jouait désormais avec les enfants près du toboggan, restant silencieuse une seconde, se demandant comment l'aborder et ce qu'elle devait dire. Elle était surprise de le voir là, à s'amuser tranquillement avec les deux enfants. Il ne semblait leur vouloir aucun mal, mais Astéria ne pouvait décidément pas laisser un inconnu s'amuser avec deux enfants qui étaient sous sa protection, sans réagir. Et puis, ce n'était pas parce qu'il paraissait innocent d'apparence qu'il l'était réellement et elle en savait quelque chose. Les sirènes avaient pour habitude d'attirer leurs proies grâce à leurs charmes et à leur apparente douceur. Certaines utilisaient même cette douceur pour attirer les enfants et se nourrir d'eux. Elle ne pouvait donc prendre aucun risque, refusant de voir deux vies innocentes être volées par sa faute. « Je vous remercie pour ce que vous venez de faire... » lança la sirène, s'approchant de l'homme. Elle n'avait jamais aimé discuter avec les autres créatures, les exceptions étaient rares, mais lui n'en faisait pas partie. Elle ne le connaissait pas et ignorait qui il était. Elle ignorait s'il était dangereux ou quelles étaient ses intentions. Elle ne pouvait donc être que méfiante envers lui et ne pas apprécier devoir s'adresser à lui. Il ne pouvait pas avoir fait ça sans raison, selon Astéria, personne ne faisait jamais rien sans raison. « J'ignore comment les deux enfants ont pu échapper à notre vigilance et ça n'aurait jamais dû se produire... » l'orphelinat finirait par avoir une sale image si ce genre de choses venait à se reproduire. « mais je pense que les enfants devraient revenir avec moi. » affirma-t-elle en tendant ses deux mains vers les deux petits, attendant qu'ils la rejoignent et s'éloignent de l'homme, juste au cas-où il était plus dangereux qu'il ne le paraissait.

Astéria s'était approchée de l'inconnu qui était avec les deux enfants. S'il semblait les avoir sorti d'une situation dangereuse, Astéria restait méfiante. Même cet acte, à ses yeux, ne faisait pas automatiquement de lui quelqu'un de bon. Il pouvait simuler. Il pouvait jouer un jeu. Il pouvait manipuler. Il pouvait tant de choses que la sirène restait sur ses gardes, comme toujours lorsqu'elle se trouvait en face d'une créature inconnue. Malgré tout, elle s'excusa de ce qui venait de se passer. Des excuses n'étaient pas suffisantes, jamais au grand jamais ces deux enfants n'auraient dû se retrouver seuls, sans la surveillance des adultes de l'orphelinat. C'était une erreur terrible, une erreur qui aurait pu être fatale à ces deux petits, une erreur qui ne devait plus jamais se reproduire. Et elle le remercia de son geste, après tout, malgré ses possibles intentions, il avait aidé les enfants alors elle se devait, d'au moins, le remercier.

Néanmoins, elle ne souhaitait pas que les enfants restent davantage avec lui. Elle les appela alors, leur tendant les mains pour qu'ils reviennent à ses côtés. La petite fille se mit alors à pleurer, refusant de revenir près d'Astéria, préférant nettement continuer son jeu ici, avec cet inconnu. Les enfants n'avaient pas l'esprit des adultes, ils ne voyaient pas le mal là où il pouvait être, ils étaient innocents. En cet inconnu, elle ne voyait qu'un homme amusant qui prenait du temps pour eux, qui s'amusait avec eux. Alors qu'Astéria, elle, voyait un danger potentiel. L'homme se baissa donc, essuyant avec délicatesse les larmes de la fillette et essaya de la convaincre  de retourner avec la sirène. Il en profita pour glisser, au passage, un conseil à la petite fille. Sur ce point, elle ne pouvait pas le contredire. Les employés de l'orphelinat passaient un temps fou à répéter ces quelques règles de sécurité, mais les enfants n'écoutaient pas toujours. Il avait finalement repoussé les enfants vers Astéria qui leur attrapa immédiatement la main, pour les tenir à côté d'elle, tandis que l'homme se redressait devant eux. Il reprit alors la parole, décidé à faire comprendre à la sirène qu'il n'avait pas été le danger pour les enfants. « Vous comprendrez que votre seule parole ne peut me suffire. » elle ne le connaissait pas, il aurait été stupide et inconscient de le croire sur parole. N'importe qui, même mauvais, pouvait prétendre vouloir le plus grand bien. Peut-être se sentirait-il vexé de cette parole, mais c'était la vérité et elle n'allait pas faire semblant de le croire uniquement pour lui faire plaisir. Elle ne releva pas sur le con d'étranger et le langage utilisé devant les enfants, préférant éviter une discussion inutile.

Malgré les réticences de la jeune femme et malgré sa méfiance permanente envers les autres créatures, lorsque l'homme lui tendit la main, Astéria lâcha la main de la petite fille pour avoir une main libre à présenter. Elle écouta attentivement ce qu'il avait à dire, jetant un coup d'oeil à ses collègues et aux autres enfants au passage. Elle n'était pas à l'aise lorsqu'elle parlait à un inconnu, encore moins à une créature inconnue. Elle était trop habituée à sa routine et sa vie avec les autres sirènes, dans le mer, trop craintive des intentions des autres. « Astéria Madsen. » se présenta-t-elle dans un premier temps. « Habituellement, nous nous débrouillons très bien, à trois. » affirma-t-elle comme pour se défendre. « Et je ne suis pas certaine qu'avoir dirigé des hommes au combat fasse de vous un homme capable de s'occuper des enfants. Ce sont des enfants, pas des soldats. » précisa-t-elle sans agressivité, mais avec froideur, n'ayant jamais apprécié les créatures qui prenaient plaisir à combattre. Elle, elle tuait pour se nourrir, jamais par plaisir. Alors si dans le fond, elle n'était pas bien différente des autres, pour elle, c'était le cas. « Mais si vous voulez nous aider, je n'ai ni le droit d'accepter, ni le droit de refuser, c'est avec elle qu'il faut voir ça. » lança la sirène en désignant une autre employée du doigt. Elle, elle n'avait aucun pouvoir de décision, alors elle n'avait rien à dire malgré sa méfiance.

L'homme, finalement, avait plongé sa main dans sa poche pour en sortir un portefeuille et de l'argent, proposant d'offrir une glace à tous. Pourquoi tant de gentillesse ? Cela ne faisait qu'éveiller davantage la méfiance de la sirène. Elle connaissait ce stratagème, la gentillesse était l'une des meilleures façons d'attirer en douceur de futures victimes. Mais il était vrai qu'il faisait très chaud et qu'une glace ferait sans doute du bien à tous. Astéria qui supportait très mal la chaleur, préférant la fraîcheur de l'eau, ne dirait pas le contraire. « C'est très gentil, mais vous ne devez pas vous sentir obligé... » souffla la sirène, vite interrompue par les enfants qui soupiraient, déçus de la réponse. « Puisque les enfants semblent avoir si chaud et qu'une glace leur ferait vraiment plaisir, si elle est d'accord, alors nous en serions tous ravis. » affirma Astéria en baissant les yeux vers les enfants, un sourire aux lèvres, heureuse de les voir contents. Il n'avait plus qu'à demander l'autorisation à leur supérieure, c'était à elle de décider de ce que Bellator avait le droit de faire ou non, pas à Astéria.